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 Lettre de Kasuku  N°17

 

La décroissance radioactive, une 

maladie génétique des atomes

Certaines familles d'atomes sont atteintes d'une maladie génétique qui affecte leur noyau  et que les physiciens appellent "décroissance radioactive". Dans le monde profane on parle de radioactivité. Elle atteint particulièrement les familles Uranium, Thorium, ainsi que quelques autres familles de moindre importance. Toutefois l'évolution est très lente, en ce qui concerne ces deux les familles.

Le triste cas de la famille uranium

Le cas de la famille Uranium est très typique, aussi allons nous l'étudier en détail : les membres de cette famille possèdent tous 92 protons. La plupart d'entre eux (99,3 %) possèdent 146 neutrons: c'est 238U.  Les autres (0.7 %) n'en possèdent que 143: c'est 235U. Les deux isotopes sont atteints par la décroissance radioactive, mais la vitesse d'évolution de la maladie est différente pour chacun d'entre eux. 

La maladie afafecte particulièrement les familles uranium et thorium

Vitesse d'évolution de la maladie

Il n'est pas possible de prévoir l'évolution de la maladie pour un atome particulier. Par contre, on peut suivre statistiquement le comportement d'une communauté d'atomes, la décroissance radioactive se produisant d'une manière aléatoire au sein de cette communauté. Au Pays étrange des Atomes, on appelle période de rémission le temps nécessaire à la disparition de la moitié des individus d'une communauté (les physiciens parlent de demi-vie). On peut donc diagnostiquer que la maladie est responsable de la disparition :

  • de la moitié de la communauté de 238U chaque 4,5 milliards d'années,
  • de la moitié de la communauté de 235U chaque 710 millions d'années

L'évolution de l'épidémie est déjà en elle-même très curieuse: à chaque instant les membres de la communauté savent que la moitié d'entre eux vont être atteints au cours d'une période qui est de 4,5 milliards d'années pour les frères 238U et de 710 millions d'années pour leurs cousins 235U.

Les symptômes.

Prenons le cas de 238U: tout commence par une subite convulsion interne suivie par des vomissements de divers produits issus du noyau. Dans ces produits, qui sont les constituants de la radioactivité, on peut trouver :

  • les particules "alpha"[α], constituées chacune de deux protons et de deux neutrons. Elles sont expulsées du noyau instable à la vitesse d'environ 16'000 km/seconde,
  • les particules "béta"[ß], qui sont des électrons (formés dans le noyau par la transformation d'un neutron en proton). Ils sont expulsés à la vitesse de 270'000 km/seconde,
  • les rayons "gamma"[γ], qui sont des rayons X très puissants qui se déplacent à la vitesse de la lumière. Ils sont produits par la désexcitation du noyau qui se "réarrange" à la suite de l'expulsion d'une particule alpha ou de particules béta.

Ces émissions de particules s'accompagnent de la transmutation du pauvre 238U en un individu marginal d'une autre famille (un isotope rare et instable de cette famille) puis, de rechute en rechute, après avoir perdu successivement 8 particules 𝛂 et 6 particules 𝛃 et transité, entre deux crises, par diverses autres familles, il finit par se transmuter définitivement en un isotope stable de la famille Plomb,  206Pb.  

Lors de ses transformations successives, ce pauvre uranium se transforme successivement, en toute une cascade d'isotopes instables qui sont le thorium, le radium, le radon, le polonium, le bismuth pour finir par aboutir vers un isotope stable du plomb (206Pb).

Les symptômes sont très ressemblants pour  235U et 230Th. Ils finissent tous par aboutir à un isotope stable du plomb.

    238U évolue vers le 206Pb avec une période de rémission de 4,5 milliards d'années,

    235U évolue vers le 207Pb avec une période de rémission de 710 millions d'années.

    232Th évolue vers le 208Pb avec une période de rémission de 14 milliards d'années.

Après une longue maladie, les membres des familles Uranium et Thorium

ont été transmutés et adoptés par la famille Plomb.

 

Les isotopes du plomb

Le plomb possède ainsi 4 isotopes 204Pb, 206Pb, 207Pb et 208Pb. Seul 204Pb est primordial, c'est à dire qu'il existe depuis la formation du système solaire. Les trois autres isotopes sont radiogéniques, c'est à dire qu'ils n'existaient pas lors de la formation du système solaire. Ils sont apparus au cours de la longue existence de la Terre et ils représentent la forme terminale de la désintégration de 238U, 235U et 232Th.

L'homme n'a aucune influence sur cette maladie

Notons que les physiciens n'ont jamais réussi à ralentir ni accélérer la vitesse d'évolution de cette maladie. Ce n'est pas le cas pour une autre maladie auxquelles certains atomes sont sensibles : la fission nucléaire. Nous en parlerons dans une prochaine lettre.

Dans le cas particulier de l'Uranium 238, on voit qu'avant d'aboutir à sa forme finale stable de Plomb 206, ce pauvre uranium passe par toute une série de stades intermédiaires d'éléments dont les noms nous sont familiers : radium, radon, polonium. Ce sont des éléments extrêmement radioactifs qui devraient disparaître rapidement du monde des atomes, vu leur demi-vie très courte. Toutefois, ils renaissent aussi rapidement qu'ils disparaissent car ce sont des sous-produits qui se créent en permanence au cours de la maladie de l'uranium !

Découverte de la radioactivité

Marie Curie a découvert le radium et le polonium en traitant des tonnes de pechblende, le principal minerai d'uranium. On ne connaissait encore pas les mécanismes de la radioactivité ni ses effets ionisants indésirables sur les tissus vivants. On pensait que, tel un élixir de jouvence, la radioactivité était bonne pour la santé. De nombreux charlatans ont commencé à proposer des préparations radioactives pour le bien-être de leurs clients !