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Lettre de Kasuku  N°18 

La fission nucléaire, une autre maladie génétique des atomes

La fission spontanée de certains atomes

Les familles Uranium et Thorium souffrent également d'une autre maladie génétique, heureusement beaucoup plus rare que la décroissance radioactive: la fission spontanée des atomes. Cette maladie se manifeste par la rupture brutale du noyau de l'atome atteint, accompagnée d'une fièvre colossale. Les deux fragments produits sont projetés avec une extrême violence, loin l'un de l'autre, constituant comme stade final deux atomes plus petits. Heureusement pour ceux qui sont sujets à cette affection, la période de rémission est très longue, largement supérieure à un million de milliards d'années. Cela signifie pour eux, que la probabilité de disparaître par décroissance radioactive, la maladie la plus courante, est au moins un million de fois plus grande que celle d'être atteints par la fission spontanée. 

 

 

 

 

 

L’Uranium 238 peut aussi être victime de la fission spontanée, une maladie heureusement beaucoup plus rare que la décroissance radioactive.

(dessin Alain Gassener)

Les minéraux peuvent enregistrer la fission spontanée de 238U 

L'uranium est omniprésent en faible quantité dans les roches de composition granitique. On le trouve piégé dans les minéraux accessoires de ces roches, principalement dans le zircon et dans l'apatite. Lorsqu'un atome de 238U subit la fission, les deux fragments produits s'éloignent l'un de l'autre à grande vitesse et provoquent une lésion dans le réseau cristallin du minéral hôte. Autour de cette lésion, la solubilité du minéral vis-à-vis d'un agent corrosif est plus importante que dans la région saine. On peut donc "révéler" par une attaque chimique appropriée la densité des événements de fission enregistrés dans le minéral.

Traces de fission développés sur une surface polie d'un cristal d'apatite, traitée à l'acide chlorhydrique.

Chaque trace correspond à la fission d'un seul atome de 238U.

On peut induire artificiellement la fission

  On ne parlerait même pas de cette fission, si les Terriens ne s'étaient aperçus que cette maladie provoquait une grosse fièvre, dégageait une quantité colossale d'énergie et, surtout, qu'ils pouvaient à leur gré accélérer son évolution d'une manière vertigineuse. C'est ainsi qu'ils ont réussi à inoculer cette terrible maladie à quelques familles d'atomes, principalement aux divers membres de la famille Uranium. Le virus est un neutron. L'isotope 235U peut absorber  un tel neutron si celui-ci ne se déplace pas trop vite (on parle de neutron lent ou de neutron thermique). 

Mécanisme de la maladie

Après qu'on lui ait inoculé un neutron, le pauvre 235U s'alourdit d'un gron*, se transforme en 236U, un gros lourdaud de la famille Uranium qui n'arrive plus à maintenir toutes ensembles les particules de son noyau. Comme une goutte d'eau qui devient trop grosse et se divise en deux gouttelettes plus petites, le pauvre 236U éclate et se fragmente en deux atomes plus petits, expulsant en même temps deux ou trois neutrons rapides.

* unité de poids imaginaire utilisée dans "Le Monde étrange des Atomes"

 

Le virus est un neutron.

Alourdie d’un neutron, la victime devient très instable...

...puis se partage en deux atomes plus petits, libérant du même coup quelques neutrons.  Cet accès brutal dégage beaucoup d’énergie (dessins Alain Gassener)

Un amaigrissement incompréhensible

Si l'on pèse les deux atomes nouveaux plus les deux ou trois neutrons produits, on a la surprise de constater qu'on n'arrive pas tout  fait aux 236 grons que pesait notre patient 236U, juste avant sa crise. Il y a donc eu disparition d'un petit peu de matière au cours de cette fission. Et nous savons, grâce à Einstein, que cette matière s'est transformée en énergie selon la relation fameuse: 

 E = m x c2 

Ce qui signifie en clair : l'Energie [E] est égale à la masse disparue [m] multipliée par le carré de la vitesse de la lumière [c2]. Cette maladie produit environ 200 millions de fois plus d'énergie par atome éclaté que celle que peut produire une molécule dans la réaction chimique la plus violente! Voilà donc un procédé bien séduisant pour se procurer de grandes quantités d'énergie !

La maladie s’accompagne d’une légère disparition de masse (dessin Alain Gassener).

Mais que deviennent les neutrons ?

En inoculant un neutron dans le noyau du pauvre 235U, on a provoqué sa fission, libéré de l'énergie et il reste en surplus 2 ou 3 neutrons errants. Que vont-ils devenir? Ils sont expulsés dans la matière à grande vitesse. Comme ils sont neutres, ils ne sont pas influencés pas les orbites électroniques des atomes qu'ils pourraient rencontrer et, pour provoquer une nouvelle fission, ils doivent impérativement frapper de plein fouet un noyau d'235U. Mais la cible est très petite et la probabilité de rencontrer un noyau d'Uranium pour le briser en deux demeure extrêmement faible. Par ailleurs, les neutrons sont eux-mêmes atteints de décroissance radioactive foudroyante qui les transforme très rapidement en un proton plus un électron.

On peut tout de même influencer la chance

Les Terriens sont astucieux et savent modifier cette probabilité de fission de 235U par un neutron en combinant deux actions :

1. En augmentant la concentration des atomes d'235U. 

Dans l'uranium naturel extrait des mines, il n'y a que 0.7% d'235U contre 99.3 % d'238U. On procède alors à l'enrichissement en 235U dans de coûteuses usines, ce qui augmente le nombre de cibles par unité de volume. Pour les usages courants, on l'enrichit généralement aux alentours de 3%.  On peut augmenter cet enrichissement autant qu'on le désire. Mais on ne le fait effectivement qu'à la demande des militaires, qui en ont besoin pour des usages bien particuliers.

2. En ralentissant les neutrons 

Les neutrons produits dans une réaction de fission sont trop rapides pour espérer pouvoir accrocher au passage un autre 235U. Aussi va-t-on, à l'aide d'un modérateur, les ralentir pour les rendre plus "virulents". On place sur leur passage des atomes légers, Messieurs Hydrogène, Béryllium ou Carbone, par exemple. Les chocs successifs avec ces atomes légers vont augmenter la vitesse de ces derniers et ralentir celle des neutrons.

En combinant ces deux conditions, on augmente l'efficacité des neutrons errants. Il devient alors possible de réaliser et d'entretenir une réaction en chaîne et, si on sait la contrôler, on peut du même coup construire une centrale nucléaire!

Comment fonctionne une centrale nucléaire

Les centrales nucléaires peuvent différer les unes des autres par les caractéristiques du combustible, par la nature du milieu ralentisseur de neutrons, et par le système d'échangeur de chaleur entre le réacteur et la turbine. Mais le principe du fonctionnement est toujours à peu près le même.

Le combustible est constitué de barres d'uranium enrichi à environ 3 % d'235U. Ces barres sont plongées dans de l'eau qui ralentit (grâce à M. Hydrogène) les neutrons émis par la fission d'atomes d'236U, leur permettant à leur tour de provoquer la fission d'autres atomes. Ces réactions de fission dégagent une chaleur énorme qui permet de produire la vapeur nécessaire au fonctionnement d'une turbine, qui entraîne à son tour un générateur électrique. Dans ce schéma, l'eau joue le rôle double de modérateur de neutrons et de liquide caloporteur qui permet le transfert de l'énergie vers la turbine. Pour arrêter la réaction, on laisse tomber dans le réacteur des barres de bore ou de cadmium qui ont la propriété d'absorber les neutrons, ce qui interrompt la réaction.

(Dans une prochaine lettre nous parlerons des déchets nucléaires)

 

  

Pour en savoir plus :

            Le Monde étrange des Atomes : https://kasuku.ch/le-monde-etrange-des-atomes/

            Au cœur des atomes : https://kasuku.ch/au-coeur-de-latome/

            Presque tout sur la radioactivité : https://kasuku.ch/presque-tout-sur-la-radioactivite/