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Lettre de Kasuku  N°26

 

Pierre ponce et obsidienne

 

Vous souvenez-vous peut-être de la pierre ponce avec laquelle vous frottiez les callosités de vos pieds ? Elles ont aujourd'hui disparu de nos salles de bain, remplacées par diverses autres surfaces de gommage.

Sans doutes avez-vous déjà admiré des blocs d'obsidienne, cette roche convoitée par nos ancêtres préhistoriques pour confectionner leurs pointes de flèches et leurs outils tranchants. 

Pierre ponce et obsidienne, nous allons voir ce que ces deux roches ont en commun.

Pierre ponce

Outils préhistorique en obsidienne

L'obsidienne

L'obsidienne est un verre naturel. Elle est le plus souvent noire mais on en trouve aussi de couleur gris ou brun. Parfois, un début de cristallisation fait apparaître des sphérolithes de cristobalite, une forme de silice qui cristallise à haute température. 

L'obsidienne est une roche volcanique riche en silice qui caractérise les "volcans gris" de type explosif, ceux qui se situent à l'aplomb d'une zone de subduction, c'est à dire là où une plaque tectonique s'enfonce sous une autre. Les volcans d'Indonésie et du Japon en sont de bons exemples.

 

Obsidienne de Lipari

Cristobalite dans de l'obsidienne

La pierre ponce

La pierre ponce est une roche volcanique très poreuse dont la faible densité lui permet de flotter sur l'eau. Cette propriété lui vient des myriades de bulles de gaz qu'elle renferme. Aujourd'hui, on utilise son pouvoir abrasif pour vieillir et user les jeans. Autrefois on l'utilisait dans les poudres à récurer et pour polir les métaux.

L'ile de Lipari, connue pour ses gisements de pierre ponce, fait partie d'un petit archipel volcanique. La lave qui a donné naissance à ces roche était très visqueuse, en grande partie constituée de verre, l'obsidienne, qui n'a pas eu le temps de cristalliser tranquillement au cours de son ascension à travers la croûte terrestre. L'obsidienne renferme passablement de gaz dissous qui ne demandent qu'à s'échapper.

Ancienne carrière de pierre ponce sur l'île de Lipari

La pierre ponce provient de l'obsidienne

Le pharmacien genevois Albert Brun (1857-1939) s'est beaucoup intéressé aux volcans*. C'est le premier qui a fait la relation entre l'obsidienne et la pierre ponce. En chauffant des petits cubes d'obsidienne, il a constaté, qu'à une certaine température, l'obsidienne gonflait brusquement et se transformait en pierre ponce. 

L'explication est simple : avec l'augmentation de la température la pression des gaz augmente et, en sens inverse, la viscosité du verre diminue. A une température bien précise, les gaz gagnent la partie et gonflent en des myriades de petites vacuoles. L'obsidienne vient de se transformer presque instantanément en pierre ponce ! Cette transformation s'accompagne d'un gonflement important de la masse minérale avec au moins un triplement de son volume. Dans les carrières de ponce de Lipari on trouve encore, ça et là, des blocs d'obsidienne qui ont échappé à cette transformation

Le point de rupture dépend aussi de la pression environnante et, dans les profondeurs de la cheminée volcanique, les gaz n'arrivent pas à s'échapper. Mais si la pression diminue et que la température est suffisante alors toute la masse magmatique gonfle brutalement en quelques seconde et provoque ces colossales explosions volcaniques qui caractérisent l'activité des "volcans gris" ainsi que la formation des nuées ardentes si destructrices. Ce mécanisme est à l'origine des explosions colossales observées dans certaines régions volcaniques.

Cube d'obsidienne et pierre ponce obtenue par chauffage dans un four aux environs de 750°.

Nuée ardente dévalant les flancs du Làscar, Chili     (photo Jacques Guarino)

 Eruption du Tambora en 1815

En 1815, l'explosion du Tambora en Indonésie, a été considérée comme la plus grande éruption volcanique de l'histoire récente. Au cours de cette éruption, une explosion gigantesque a causé directement la mort de plus de 100'000 personnes. Le volume des produits volcaniques projetés dans l'atmosphère à plus de 30 km de hauteur a été estimé à 40 km3, provoquant une dérèglement climatique important. Dans l'hémisphère nord, l'été 1816 a été catastrophique et les moissons ne sont pas arrivées à maturité. La famine qui s'en est suivie a causé la mort d'environ 200'000 personnes.

Lord Byron, son ami le poète Percy Shelley et son épouse Mary étaient venus à Genève en 1816 pour visiter la Suisse. Mais le froid et les pluies incessantes qui ont marqué cet été là les ont confinés dans leur villa de Cologny et, par désoeuvrement, ils se sont adonnés à l'écriture. C'est dans ces circonstances que Mary Shelley a écrit son fameux Frankenstein ! On doit donc indirectement le roman de Frankenstein à l'éruption du Tambora !

D'autres éruptions encore plus destructrices ont eu lieu dans l'histoire lointaine. L'explosion du Krakatoa en 1883 a causé la mort de plusieurs dizaines de milliers de personnes. Celle du Samalas en 1257, toujours en Indonésie, a laissé des dépôts importants de cendres qu'on retrouve aujourd'hui dans les carottes de glace du Groenland et de l'Antarctique.

En 1600 avant J.-C. l'explosion de l'île de Santorin a engendré un tsunami géant qui a balayé toutes les îles de la mer Egée, entraînant la disparition de la civilisation minoenne.

Donc attention, la transformation de l'obsidienne en pierre ponce peut être dangereuse !

 * Albert Brun : Recherches sur l'exhalaison volcanique, 1911, Librairie Kündig.

 

Pour en savoir plus : https://kasuku.ch/que-savons-nous-de-notre-planete/