Lettre de Kasuku N°20

 

Que sont donc les déchets nucléaires ?

 

 

Le combustible usagé des centrales nucléaires

Le génie nucléaire nous fournit une énergie abondante et peu coûteuse qui ne pollue en aucune manière l'atmosphère mais qui produit des déchets indésirables dont nous devons nous occuper. 

La plupart des réacteurs ont une puissance d'environ 1'000 MW. Pour produire cette énergie, il leur faut 23 tonnes de combustible, soit environ 22 tonnes d'238U et 900 kg d'235U. Cela correspond à un enrichissement en 235U d'environ 3.5 %.

 Après environ 3 ans, la composition du combustible a passablement changé : une partie de 235U a disparu et s'est transmuté en toute une série d'atomes plus légers qui constituent les produits de fission. On retire les barres de combustible usagées avec précautions à cause de leur radioactivité résiduelle intense et on les remplace par du combustible nouveau. 

Mode de formation des déchets nucléaires

La transformation du combustible nucléaire à l'intérieur d'un réacteur induit la formation de trois catégories de sous-produits radioactifs. C'est ce qu'on appelle les déchets nucléaires.

  • Les produits de fission sont les éléments engendrés par la fission de l'uranium et, dans une moindre mesure, par celle du plutonium qui se forme au cœur des réacteurs. Au cours de la fission, un atome d'235U se divise en deux atomes d'éléments communs du tableau périodique : statistiquement on trouve un petit atome dont le poids atomique est compris entre 90 et 100 et un gros atome dont le poids atomique est compris entre 133 et 144. Ces éléments renferment un excès de neutrons et ils sont par conséquent instables. Ils sont extrêmement radioactifs mais leur période est généralement très  courte et leur radioactivité diminue rapidement. 

 

 

 

Fréquence des poids atomique des produits de fission de l'uranium dans une centrale nucléaire

  • On trouve aussi des éléments nouveaux, inexistants dans la nature, très lourds et situés sur le tableau périodique au delà de l'uranium. Ils sont produits par capture de neutrons par l'uranium sans qu'il y ait fission. On les désigne sous le nom d'actinides. Le plus connu d'entre eux est le plutonium dont la quantité produite est de plus de 9 kg par tonne de combustible usagé. La quantité des autres actinides dits "mineurs" est d'environ 600 grammes par tonne de combustible. A part le plutonium, ces actinides sont principalement le neptunium, l'américium et le curium.  Les autres actinides, dits mineurs, le berkélium, le californium, l'einsteinium, le fermium, le mendélévium, le nobélium et le lawrencium n'ont qu'une existence anecdotique très éphémère. 
  • On trouve accessoirement des produits d'activation issus de l'irradiation par les neutrons des matériaux qui entourent le coeur du réacteur (activation neutronique). Par exemple, le cobalt 59Co, toujours présent en faible quantité dans le fer à béton, se transforme en 60Co.

Tous ces produits sont des éléments instables. Ils sont radioactifs et dégagent de la chaleur. A ce titre, il faut s'en protéger. Ce sont ces fameux déchets nucléaires.

 

 

Les déchets sont non seulement radioactifs, mais ils dégagent aussi passablement de chaleur.

 

 

 

Classification des déchets

Les quantités des divers déchets nucléaires produits chaque année par un réacteur de 1'000 MW est résumé dans les tableaux ci-dessous :

On retrouve près de 700 de kg de produits de fission. Plus de 90% de ces produits ont une durée de vie extrêmement courte et se transforment rapidement en éléments stables. On constate qu'au bout de dix ans d'entreposage, ils ont atteints leur forme stable et ne sont plus à craindre. Ce sont les produits de fission à vie courte. Parmi ces derniers, signalons particulièrement l'iode 131 (131I) qui a une très courte période de 8 jours et disparaît en quelques mois. Mais, dans les heures qui suivraient un d'accident majeur, il pourrait être absorbé par la glande thyroïde des populations exposées. C'est pour cette éventualité qu'on distribue des pastilles de iode aux populations qui vivent dans l'environnement proche d'une centrale nucléaire. 

Quelques uns perdurent plus longtemps. Ce sont les produits de fission à vie moyenne et à vie longue. 

Parmi les éléments dont les durées de vies sont supérieures à 30 ans, les produits qui peuvent poser un problème sont : le strontium 90 (90Sr), et le césium 137 (137Cs) qui ont des périodes d'environ 30 ans. Le zirconium 93 (93Zr), le technétium 99 (99Tc), le palladium 107 (107Pd,) l'iode 129 (129I) et le césium 135 (135Cs) ont des périodes beaucoup plus longues et sont donc moins radioactifs.

Le césium 137 pose un problème : il n'existait pas dans la nature. Il provient uniquement des activités nucléaires civiles et militaires. Proche du potassium, il est métabolisé par les plantes et peut arriver par ce biais jusque dans notre assiette. Il n'est libéré dans l'atmosphère que par des explosions nucléaires ou par un accident majeur d'une centrale nucléaire.

Le strontium 90 n'est disséminé que par une explosion nucléaire ou un accident majeur d'un réacteur. A la suite d'un accident il peut peut se disséminer sur les herbages être ingéré par les bovins et se retrouver ensuite dans les produits laitiers. L'activité des produits de fission à vie longue est moins problématique car leur radioactivité est plus faible.

Il faut bien prendre conscience que les éléments à demi-vie très courte sont extrêmement radioactifs mais cette radioactivité diminue rapidement dans le temps. Les éléments à demi-vie longue sont peu radioactifs mais ils le demeureront encore pendant longtemps !

Les déchets nucléaires à vie courte sont très radioactifs mais leur radioactivité diminue rapidement.

Les déchets nucléaires à vie longue sont peu radioactifs mais ils le demeureront longtemps !

Le cas des actinides

Parmi ces éléments nouveaux, le plus problématique est le plutonium qui est produit en abondance au coeur des réacteurs nucléaires. Parmi les divers isotopes ainsi produits, c'est le plutonium 239 (239Pu) qui suscite le plus d'intérêt. Considéré comme déchets par les uns, il constitue pour d'autres des sources intéressantes de combustible nucléaire pour certains nouveaux types de réacteurs. C'est évidemment un des constituants principaux des armes nucléaires. Les stocks actuels de plutonium sont estimés à environ 1'000 tonnes. C'est un élément hautement stratégique et les quantités produites sont sévèrement surveillées.

Parmi les autres actinides, produits en plus petites quantités, mentionnons le neptunium, l'américium et le curium qui ont trouvé des usages bien particuliers.

L'Américium 241 (241Am), a une demi-vie de 142 ans. Il émet en abondance des rayons 𝜶. On utilise cette propriété dans les détecteurs de fumées : une pastille d'Américium entretient un léger courant électrique grâce à l'émission de ses particules 𝝰 qui ionisent l'air. Les particules de fumées perturbent ce courant et donnent l'alarme.

Le curium 244 (244Cm) dégage un rayonnement ϒ très intense. On utilise ce rayonnement comme source d'excitation pour les spectromètres utilisés dans l'exploration spatiale. 

Le curium 242 (242Cm) a une très courte période et dégage beaucoup de chaleur. On l'utilise comme source de chaleur pour les générateurs thermoélectriques embarqués dans les sondes spatiales.

Quant au neptunium 237 (237Np), il n'intéresse que les militaires qui s'en serviraient pour miniaturiser leurs armes nucléaires.

Comparaison n'est pas raison

En résumé, si on ne tient pas compte des produits de fission à courte période qui on quasiment complètement disparu au bout de 10 années, la production annuelle de déchets nucléaires indésirables d'une centrale est de 85 kg de produits de fission à vie moyenne ou longue, 220 kg de plutonium et 13 kg d'actinides. Leur volume ne dépasse pas celui d'une grosse valise. Cette dernière image est évidemment un peu fausse car ces déchets sont intimement mélangés dans les 23 tonnes de combustible usagé et il faudra les séparer ultérieusement de la masse d'uranium par voie chimique dans des usines de retraitement. Mais ceci est une autre histoire.

A titre de comparaison, une centrale thermique émet environ 500 gr. de CO2 par kWh produit. Pour une centrale de 1000 MW, l'émission annuelle de CO2 et d'environ 3'500'000 tonnes !

Et pour faire perdurer votre confort vous devez choisir votre type de pollution !

Usage de quelques isotopes radioactifs

Les isotopes utilisés en médecine nucléaire sont nombreux et variés. Certains proviennent des produits de fission des réacteurs nucléaires, d'autres sont produits dans des accélérateurs de particules. Ainsi, au CERN, le programme ISOLDE fournit de nombreux isotopes spécifiques pour les hôpitaux. 

Les rayons ϒ émis par certains isotopes sont plus pénétrants que les rayons X délivrés par les générateurs classiques. On peut donc les utiliser comme source pour radiographier des matériaux industriels habituellement opaques aux rayons X ordinaires.

L'imagerie nucléaire consiste à injecter un isotope faiblement radioactif d'un élément qui participe à certains métabolismes. Une caméra gamma permet de localiser et de suivre l'évolution de l'isotope. L'imagerie nucléaire renseigne sur une fonction du corps alors qu'une radiographie classique ne renseigne que sur la structure d'un organe. 

L'iode 131 (131I) est utilisé comme traceur pour des diagnostics en médecine nucléaire. Quelques atomes radioactifs administrés par voie sanguine permettent de suivre le cheminement de l'iode dans la thyroïde. 

Le cobalt 60 (60Co) a longtemps été utilisé en médecine pour la radiothérapie. On utilise sa propriété d'émettre un rayonnement ϒ très Intense pour stériliser les denrées alimentaires et pour radiographier des pièces métalliques opaques aux rayons X ordinaires.

Le technétium 99 est un élément indésirable dont on doit se débarrasser. Sa période est de 215'000 ans. Mais il existe un isomère du technétium 99 qui subsiste plusieurs heures dans un état d'excitation avant de retourner à son état normal en émettant un photon gamma unique. Cette propriété est largement utilisée en imagerie médicale. A ce titre, le technétium est l'isotope le plus utilisé au monde en imagerie scintigraphique.

Stockage

Certains produits de fission atteindront leur état stable en quelques minutes, quelques heures ou quelques jours. Ils sont hautement radioactifs mais l'évolution de leur maladie est très rapide. 

D'autres mettront des années ou des millénaires pour voir enfin leur activité diminuer de manière sensible. Ils sont peu radioactifs, mais ils le demeureront encore longtemps !

Par ailleurs, je vous rappelle qu'on ne peut pas modifier la vitesse d'évolution de la décroissance radioactive. Elle dégage beaucoup de chaleur qu'il faut évacuer de la centrale pendant longtemps encore après l'arrêt de la réaction de fission. C'est la raison pour laquelle on stocke le combustible usagé pendant plusieurs mois, voire même plusieurs années dans une piscine avant de le retraiter. J'essayerai de vous expliquer dans une future lettre comment traiter puis stocker ces déchets.

 

Pour en savoir plus : 

presque tout sur la radioactivité : https://kasuku.ch/presque-tout-sur-la-radioactivite/