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 Lettre de Kasuku  N°25

 

Ces mystérieux rayons cosmiques

Lors d'un orage, les masses nuageuses à l'intérieur des cumulus sont animées de mouvements violents et emmagasinent des charges électriques statiques en grande quantité. Ces masses nuageuses sont chargées positivement vers le haut et négativement vers le bas. La différence de potentiel entre le haut et le bas des nuages peut atteindre plusieurs dizaines de millions de volts. Ces nuages se comportent comme de gigantesques condensateurs. Lorsque la tension dépasse un certain seuil, une décharge électrique se manifeste : c'est l'éclair.

 L'électromètre 

Déjà au XVIIIe siècle H. B- de Saussure détectait la charge électrique de l'air au moyen d'un électromètre  de son invention.

Un électromètre (ou électroscope) est constitué de deux feuilles très légères, conductrices de l'électricité, reliées à une électrode ou une antenne qui capte les charges électriques ambiantes. Les deux feuilles s'écartent l'une de l'autre sous l'effet de la répulsion des charges électriques de même signe.

Principe de l'électromètre

H.B. de Saussure et son électromètre

 Mais il a tendance à se décharger

Les scientifiques ont remarqué aussi qu'un électromètre chargé puis isolé de sa source électrostatique se déchargeait lentement. Ils ont pensé que le rayonnement radioactif naturel provenant de la Terre ionisait l'air, le rendant légèrement conducteur de l'électricité et causait alors la lente décharge de l'électromètre.

On monte en ballon

En 1912, le physicien autrichien Victor Hess teste un électromètre à bord d'un ballon. Il constate que l'électromètre se décharge beaucoup plus rapidement en altitude et il postule que les particules ionisantes qui déchargent l'appareil proviennent de l'espace intersidéral. Toutes les expériences suivantes confirment cette constatation et bientôt on ne parle plus que de rayons cosmiques.

 La tête dans les nuages

En 1912, Charles Wilson ne s'intéressait qu'aux nuages. Aussi a-t-il voulu reconstituer, dans une enceinte fermée, les conditions de formation des nuages. Cette enceinte renfermait de la vapeur d'eau à la limite de la condensation. Par instant, un piston fait diminuer la pression dans l’enceinte, ce qui provoque la formation d’une myriade de gouttelettes d’eau, simulant ainsi la formation d’un nuage. Il découvre alors des alignements de minuscules gouttes qui forment des traces rectilignes. En superposant à son enceinte un champ magnétique, il voit que certaines trajectoires se recourbent. Il peut alors de visualiser le passage de particules ionisantes provenant de l'espace. 

 Charles Wilson, (1869-1959)   Prix Nobel de physique en 1927

Il vient d'inventer la "chambre à brouillard", le premier détecteur de particules. Il devient alors possible de calculer la charge et l'énergie de ces particules.  Il faut se rendre à l'évidence : les rayons cosmiques ne consistent pas en un rayonnement électromagnétique, mais ce sont des particules très énergétiques qui proviennent de l'espace intersidéral !

De nouvelles particules

En 1932, un américain d'origine suédoise, Carl Anderson, découvre dans une chambre à brouillard une particule identique à un électron, mais chargée positivement. Il vient de mettre en évidence le positron, un anti-électron, confirmant ainsi l'existence de l'antimatière, telle que l'avait prédite Paul Dirac, un mathématicien britannique.

En 1936, Anderson reprend ses expérience à plus de 4000 mètres d'altitude. Il découvre à nouveau une particule étrange, une sorte d'électron mais 200 fois plus lourd. Il vient de découvrir le muon, une particule éphémère qui a pris naissance au cours de phénomènes qui se déroulent à la limite de l'atmosphère. Nous reparlerons de ces muons dans une prochaine lettre.

Victor Hess et Carl Anderson recoivent le prix Nobel de physique en 1936.

Une grande cascade 

Le Français Pierre Auger s'intéresse à l'étude des rayons cosmiques. Les diverses expériences qu'il mène en altitude, en particulier au Jungfraujoch dans les Alpes bernoises, montrent que les rayons cosmiques qu'on enregistre ne sont que les fragments résultant de la collision de particules extraordinairement énergétiques provenant de l'espace intergalactique avec la haute atmosphère. Ces collisions engendrent d'immenses cascades de particules secondaires qui arrosent notre planète. Ce sont ces particules secondaires qu'on visualise dans les chambres à brouillard. Ce sont essentiellement des muons, des électrons et des positrons.

 

Origine des rayons cosmiques

Vue artistique de rayons cosmiques provoquant des gerbes de particules secondaires (Illustration NASA)

Les études montrent que les particules provenant de l'espace intersidéral sont constituées d'environ 85 % de protons, de 14% de noyaux d'hélium (particules alpha) et de 1% d'électrons, pour la partie chargée. La partie neutre consiste en des rayons gamma et des neutrinos. Leur énergie moyenne est d'environ 1 GeV. Mais certaines atteignent jusqu'à 1011 GeV, ce qui est gigantesque et dépasse même de loin les énergies que peuvent conférer aux particules les meilleurs accélérateurs de nos physiciens. 

L'électron-volt (eV) est une unité d'énergie utilisée en physique des particules : c'est l'énergie acquise par un électron soumis à un potentiel électrique de 1V. C'est une unité très faible. Aussi utilise-t-on divers multiples. Ainsi 1 GeV correspond à un milliard d'électron-volts.

Le CERN arrive à produire des particules dont l'énergie est d'environ 150 GeV.

Dans les rayons cosmiques on détecte parfois des particules un milliard de fois plus énergétiques que celles que peut produire le CERN.

C'est comme si ces particules avaient été éjectées dans l'espace par un gigantesque accélérateur et venaient heurter les molécules de la haute atmosphère de la Terre. L'accélération des particules se produit apparemment au sein d'une supernova qui résulte elle-même de l'explosion d'une étoile massive. Les supernovae semblent être ces super accélérateurs. C'est ensuite les noyaux d'azote et d'oxygène de la haute atmosphère terrestre qui constituent les cibles et jouent ainsi le rôle de détecteur.

Au CERN, on essaye de maîtriser des rayons cosmiques

Au CERN, on ne fait qu'imiter ce que produisent les rayons cosmique sur la haute atmosphère.  Mais on le fait d'une manière parfaitement organisée et maitrisée !  On accélère des particules afin de leur conférer la plus grande énergie possible et on les précipite sur d'autres particules. On étudie ensuite les débris engendrés par ces collisions dans des détecteurs très perfectionnés, puis on essaye de reconstituer ces débris afin de comprendre le fonctionnement intime du cœur des atomes.

Dans l'espace intergalactique, il existe donc des zones qui fonctionnent comme de gigantesques accélérateurs de particules. Quelques unes de ces dernières croisent notre planète et provoquent des réactions semblables à celles qui se passent au cours des collisions organisées au CERN. Les expériences réalisées au CERN imitent donc ce qui se passe dans notre environnement, mais d'une manière beaucoup plus contrôlée.